J’ai rencontré Guédiouma SANOGO, il y a quelques dix ans. C’est mon cousin Abdoulaye KONATÉ, l’immense peintre dont la renommée internationale est une source de motivation pour bien de jeunes, qui a conduit mes pas à son centre de production et de diffusion à Bamako. Plus tard, mon collègue et ami Cheick KEITA de l’Université de Carleton (USA), s’est également félicité de nos projets de collaboration.

J’ai d’abord été surpris par l’approche de Sunjata Créations. Les œuvres produites ne privilégiaient pas les signatures individuelles. Contenant les tendances de certains créateurs à donner dans des emphases par- fois déroutantes qui attendent indéfiniment les musées et les grands collectionneurs, Guédiouma SANOGO et son équipe se fixaient des limites à l’intérieur de la capacité des œuvres à rentrer dans le marché et dans les intérieurs des maisons et des appartements. Ils ont ainsi organisé une mise en commun des propositions artistiques et de leurs traitements graphistes. La chaîne de valeurs, ainsi construite intégrait un centre de documentation, des ateliers de création, des salles d’exposition. À l’écoute de la demande, la direction de Sunjata Créations recherchait les marchés et les opportunités de vente et de promotion. Le modèle esthétique m’interpellait, le modèle économique me séduisait.

Ensuite, j’ai noté l’interprétation moderne du classicisme des esthétiques maliennes et africaines que le programme mettait en œuvre. Cette recherche portait et porte en particulier sur le design textile du bogolan. Elle ouvre également sur le patrimoine du mobilier et des sculptures sénoufo, dogon, touareg. Une plateforme intermédiaire entre l’artisanat et l’art dit

Contemporain se déployait en donnant à penser le passage de l’un à l’autre non pas comme un saut, une rupture mais juste comme un changement de langue, de registre, de régime d’intensité.

Guédiouma SANOGO, l’ingénieur de Sunjata Créations, le programme culturel que nous saluons aujourd’hui, est un traducteur professionnel bien connu au siège de la Banque Africaine de Développement ici à Abidjan et à celui de l’Union Africaine à Addis Abeba. En tant que traducteur, son travail consiste à passer d’une langue à une autre. Souleymane Bachir DIAGNE remarque que la traduction consiste à donner accueil et hospitalité à l’autre langue. Il ajoute que c’est ce qui nous permet de parler le même langage à partir de langues différentes. L’art est un langage dont les langues sont élaborées par les écoles, les styles, les époques, les contextes se disent en langues. En ce qu’elle construit des ponts entre les langues et les cultures différenciées, la traduction place les langues de départ et d’arrivée sur le même plan d’égalité horizontale. Par conséquent, elle participe d’un universel de convergence, un universel horizontal qui se distingue de l’universel de surplomb intrinsèque aux logiques et opérations de domination. Le travail de Sunjata Créations favorise la transcription horizontale de la création classique africaine dans les codes et les langues de la création moderne et contemporaine. Comment ne pas s’en réjouir et comment ne pas en soutenir l’essor ?

Tout en s’ouvrant à son expérience originale de réinvention du patrimoine, la Rotonde des Arts est heureuse de lui offrir l’hospitalité. Bienvenue !

Prof. Yacouba Konaté © Rotonde